mardi 5 janvier 2021

Rester en halte migratoire ou repartir ? Quels déterminants et comment l'analyser ? Réponses en vidéo

Dr. Sébastien ROQUES

Pour les oiseaux en migration, l'enjeu est de bien répartir leur temps entre le vol et les périodes de halte migratoire. Ces étapes sur le chemin vers leurs zones d'hivernage sont obligatoires pour restaurer les réserves énergétiques utilisées pendant les vols sur de longues distances, au-dessus de zones inconnues voire inhospitalières. Elles sont aussi nécessaires pour le repos et la récupération physique. Les suivis réguliers de sites de halte migratoire par baguage (cf. protocole SEJOUR) ont pour but de documenter cette écologie de la halte migratoire. Sébastien Roques en a fait l'objet central de sa thèse de doctorat de l'Université de Toulouse III Paul Sabatier, intitulée Études des déterminants du départ d’un site de halte migratoire: modélisation et implications pour la gestion, soutenue le 9 décembre 2020 par visioconférence. C'est une tristesse pour Sébastien d'avoir soutenu dans de telles conditions... mais c'est aussi une chance: la soutenance a été enregistrée, et cela vous permet d'en bénéficier.

Pour visionner sa présentation sur le sujet, et les échanges avec le jury, rendez-vous sur: https://youtu.be/jyfeWMQ1xVE?t=1 (ou cliquer sur la vidéo ci-dessous).


Cette vidéo est composée d’une présentation d’environ 45min, pendant laquelle Sébastien a choisi de développer ses travaux sur la modélisation de la probabilité de départ de halte migratoire chez des passereaux paludicoles, et ses déterminants. S'en suit la discussion avec le jury sur une durée d'un peu plus de 2h. Cette présentation traite des questions écologiques et méthodologiques relatives à l’étude de la halte migratoire à partir des données de baguage. Elle se structure en 3 cas d’études, reposant sur les jeux de données collectés par le réseau des bagueurs du CRBPO. Le premier cas d'étude porte sur la halte migratoire (en particulier les déterminants du départ) du phragmite des joncs sur la station de de Trunvel, à partir de 30 ans de données. Le second cas d'étude se place à l'échelle de la communauté de passereaux paludicoles s'arrêtant en halte sur un même site. Le but était d'étudier la synchronisation des départs entre 3 espèces s'arrêtant sur un même site (étude répliquée sur 3 sites). Enfin, le troisième cas d'étude utilise des données simulées pour vérifier la capacité des modèles de capture-marquage-recapture à estimer une durée de halte moyenne qui pourrait servir d’outil à la gestion et à la conservation des sites de halte migratoire.

Les propos de Sébastien sont facilement compréhensibles et orientés vers la gestion des sites de halte migratoire. Cette soutenance est ainsi une occasion rare de prendre connaissance des principes d'analyses des données de halte migratoire, et des connaissances qui en découlent sur la durée de halte migratoire (3 fois supérieure à la durée minimale observée), et les déterminants de la probabilité de repartir en migration (qui s'avère être largement dépendante du temps passé sur le site, et relativement synchrone entre espèces d'un même milieu). Enfin, il énonce les perspectives pour une application en évaluation de gestion d'habitat en faveur de la fonctionnalité écologique pour les passereaux migrateurs.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire son manuscrit de thèse de doctorat: Roques, S (2020). Études des déterminants du départ d’un site de halte migratoire: modélisation et implications pour la gestion. Thèse de doctorat de l'Université Toulouse III Paul Sabatier, Toulouse, 222 p.

Ce travail a été dirigé par Roger Pradel (Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive, CNRS) et Emmanuelle Cam (Laboratoire Évolution et Diversité Biologique de l'Université de Toulouse III, puis Laboratoire des Sciences de l’Environnement Marin de l'Université de Bretagne Occidentale), en étroite collaboration avec Pierre-Yves Henry (CRBPO, Mécanismes adaptatifs et Evolution, Muséum) pour les études portant sur la passereaux paludicoles. 

Ces études ont été possibles grâce à l'implication sur des décennies de dizaines de bagueurs d'oiseaux, bénévoles et professionnels. Les suivis à Trunvel (Baie d'Audierne) ont été assurés par Bretagne Vivante, coordonnés par Bruno Bargain puis Gaétan Guyot. Les suivis sur les sites permettant l'étude de la synchronie ont été assurés par ACROLA à Donges (Estuaire de la Loire), coordonné par Hubert Dugué (2009-2014), par l'ONCFS/OFB au Massereau (Estuaire de la Loire), coordonné par Jean-Luc Chil puis Sébastien Gautier (2014-2016), et par la Maison de l'Estuaire de la Seine, coordonné par Pascal Provost (2007-2009).

Résumé de la thèse
Chaque année des dizaines de millions d’oiseaux migrateurs voyagent entre leurs aires de reproduction et leurs aires d’hivernage. Ce voyage de plusieurs milliers de kilomètres implique des contraintes météorologiques et énergétiques qui conduisent les oiseaux à effectuer des haltes migratoires. Les contraintes énergétiques forcent alors les oiseaux à refaire leurs réserves d’énergie durant ces haltes pour pouvoir effectuer de nouveau un vol de plusieurs centaines de kilomètres. En conséquence de cela, plus de 80% du temps total de migration est passé sur les sites de halte. Mieux comprendre les déterminants du départ d’un site de halte migratoire est donc crucial pour mieux appréhender le phénomène de la migration dans sa globalité ainsi que les variations de fitness d’une espèce. C’est pourquoi cette thèse, à l’interface entre modélisation et écologie de la migration, vise à obtenir une meilleure compréhension des décisions d’oiseaux migrateurs lors de leurs haltes à partir de données de capture-marquage-recapture récoltées parfois depuis des dizaines d’années et sur différents sites. En plus de cela, les potentielles implications en termes de gestion d’un site de halte seront abordées. La thèse s’articule sous la forme de 4 parties principales.

La première vise à mesurer la part relative des conditions environnementales et du temps depuis l’arrivée dans la décision de départ d’un passereau migrateur. Elle a démontré que le temps depuis l’arrivée était alors plus important que les conditions environnementales pour un passereau migrateur transsaharien quand il s’agissait de décider de partir d’un site de halte.

La seconde consiste à évaluer comment différents trajets de migration influencent les décisions de départ sur différents sites de halte d’une même espèce de limicole. Elle a de son côté démontré que la durée moyenne de halte était plus longue pour les oiseaux se préparant à un vol au-dessus de l’océan mais que les conditions environnementales choisies pour le départ convergeaient entre les deux sites.

La troisième a pour but le développement d’un modelé multi-espèces pour explorer la synchronie dans la décision de départ d’un site de halte entre plusieurs espèces de passereaux migrateurs transsahariens. Elle a révélé que les variations quotidiennes de probabilités de départ étaient fortement synchrones entre les différentes espèces et que ce résultat était réplicable entre différents sites. De plus, dans la continuité́ de la partie 1, elle a révélé que le temps depuis l’arrivée était l’élément qui tendait à synchroniser les variations de probabilités de départ entre les espèces.

La quatrième porte sur le pourquoi et comment utiliser la durée de halte estimée par les modèles de capture-recapture comme un outil de gestion des zones de halte migratoire. Elle passe en revue les différents aspects utiles de cette métrique pour des problématiques de gestion et de conservation des oiseaux migrateurs.

Dans l’ensemble, ces travaux permettent d’affiner nos connaissances sur les décisions de départ d’un site de halte migratoire et des outils d’analyses associés pouvant à la fois être utiles pour découvrir de nouvelles facettes de la migration ainsi que pour la gestion et la conservation des oiseaux migrateurs et de leurs zones de halte.

Rédacteurs: Sébastien Roques et Pierre-Yves Henry

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