lundi 4 mars 2024

Nouvelle thèse : Comment les fluctuations et extrêmes climatiques impactent-elles la productivité des passereaux communs ?

Amaury Thepault
En zone tempérée, le changement climatique réduit la contrainte par le froid, et favorise la reproduction des oiseaux communs. Mais au-delà d’une augmentation des températures moyennes, le changement climatique se traduit également par une augmentation en fréquence et en intensité des évènements climatiques extrêmes, se manifestant par des vagues de chaleur et des sécheresses de plus en plus précoces. Les évènements climatiques extrêmes des dernières années en France poussent-ils les oiseaux communs au-delà des seuils compensatoires lors de la phase de reproduction ? Ou, au contraire, réduisent-ils encore davantage la contrainte par le froid en permettant une reproduction plus précoce et un meilleur succès à l’envol ?

Pour répondre à ces questions, Amaury THEPAULT a rejoint l’équipe dans le cadre d’une thèse de doctorat début octobre 2023, grâce à un financement obtenu au concours de l'Ecole Doctorale 'Sciences de la nature et de l'Homme : évolution et écologie' du Muséum,  sous l’encadrement de Pierre-Yves HENRY (CRBPO-MECADEV). Il s’attachera à comprendre les effets de ces évènements climatiques extrêmes sur la productivité des passereaux communs. Dans cette optique, Amaury commencera par identifier les variables météorologiques et environnementales les plus susceptibles de traduire les incidences écologiques de ces évènements extrêmes. Puis, il construira un modèle statistique pour étudier les effets de ces variables sur la productivité des oiseaux communs. Pour cela, il étudiera 34 ans de données du Suivi Temporel des Oiseaux Communs par Capture, en analysant le pourcentage de juvéniles parmi le total des oiseaux capturés par saison de reproduction et par site de capture. Ce pourcentage est un indicateur de productivité aviaire régulièrement utilisé dans la recherche scientifique pour analyser les réponses démographiques à de larges échelles et sur des séries temporelles de longue durée (cf. protocole STOC Capture).

Dans un second temps de la thèse, Amaury a pour objectif d’étendre l’analyse des effets de la variabilité climatique estivale sur la survie des juvéniles et leur recrutement dans les populations adultes l’année suivante. En combinant productivité et survie juvénile, nous ambitionnons de mieux comprendre l’impact actuel et futur du changement climatique en France sur le flux démographique entrant, identifié comme le principal levier potentiel de conservation face au déclin démographique des oiseaux communs (Morrison et al., 2021, voir le post dédié).

N'hésitez pas à partager avec Amaury vos impressions issues du terrain quant aux effets des vagues de chaleur et sécheresses printanières sur la reproduction et la quantité de juvéniles (contact ci-dessous). 

 

Rédacteur: Amaury Thepault

dimanche 21 janvier 2024

Arrivée dans l'équipe du CRBPO: Romain Lorrillière, nouvel Ingénieur de Recherche

Recruté par le CNRS en fin d'année, c'est avec un immense plaisir que j’ai intègré l'équipe du CRBPO au 1er janvier 2024 en tant qu'Ingénieur de Recherche en charge de la plateforme, prêt à prendre la suite d'Olivier Dehorter lorsque l'échéance de la retraite arrivera. 
Bagueur généraliste depuis 2007, j'ai eu la chance de croiser un grand nombre d’entre vous (cf. le portfolio ci-dessous) lors de terrains variés, au cours de formation et des assemblés générales du CRBPO.

J’arrive au CRBPO avec mes expériences de terrain, qui couvrent également la télémétrie (GLS, GPS) sur un large éventail d'espèces (passereaux, limicoles et sternes), et mon parcours scientifique axé sur la valorisation et la gestion des données issues des programmes de sciences participatives, notamment le Suivi Temporel des Oiseaux Communs par points d'écoute ainsi que la production des indicateurs d'état et de fonctionnement des populations locales d'oiseaux à partir de vos données de suivi en reproduction (STOC Capture) et en hivernage (SPOL Mangeoire). J’ai le désir de mettre ces compétences techniques et analytiques au service des réseaux de baguage et qu’ensemble, nous continuions à faire progresser la recherche et la conservation des oiseaux.

Au plaisir de collaborer avec vous,

Romain Lorrillière






mercredi 22 novembre 2023

Analyse des données de baguage de Phragmite aquatique en Pays de la Loire 2008-2020

En raison de la dégradation de ses habitats de nidification, de migration et d’hivernage, le Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) est le passereau le plus menacé d’Europe. D’après les suivis par baguage menés en Europe, la quasi-totalité de la population mondiale transite par la France (Tanneberger & Kubacka, 2018). Le Phragmite aquatique profite des zones humides du littoral Manche-Atlantique pour constituer ses réserves de graisse afin de poursuivre sa migration jusqu’en Afrique de l’Ouest. Du fait de ses nombreuses zones humides, les Pays de la Loire possèdent des sites de halte essentiels à la migration du Phragmite aquatique. C’est pourquoi dans le cadre du Plan National d’Actions, plusieurs stations de baguage ont été mises en place sur la région afin de définir les principaux sites de halte et de savoir comment l’espèce les utilise. Le consortium des partenaires concernés a produit un rapport complet sur ces suivis (Laigneau et al. 2022).

Entre 2008 et 2020, 33 sites de baguages ont mis en place le protocole ACROLA (parfois pour une unique saison) en Pays de la Loire dont une très grande majorité (21) en Loire-Atlantique en raison du complexe de zones humides important : Brière/Loire/Grand-Lieu. A noter que 7 stations se trouvent à plus de 60 km de la côte (Figure 1).

 

Figure 1 : Localisation des stations de baguage ACROLA en Pays de la Loire

Entre 2008 et 2020, de juillet à septembre, sur l’ensemble des protocoles inscrits au Programme National de Recherches sur les Oiseaux par le baguage (PNRO), 4 006 Phragmites aquatiques ont été capturés en Pays de la Loire (hors données privées de programmes personnels). Ces captures représentent 3 481 baguages (87%) et 525 contrôles (13%). Le protocole ACROLA a permis de réaliser 2 882 captures, représentant 72% des données de l’espèce cible sur l’ensemble des protocoles. En moyenne, entre 2008 et 2020, les Pays de la Loire représentent 50% des données de Phragmite aquatique réalisées en France en protocole ACROLA (Figure 2).

Figure 2 : Nombre de captures de Phragmite aquatique en France (- - -), en Pays de la Loire (     ) et pourcentage des captures en Pays de la Loire par rapport aux captures en France (histogramme) en protocole ACROLA

Une analyse complémentaire permet également de tirer une conclusion beaucoup plus inquiétante à l’échelle des Pays de la Loire: les résultats montrent une baisse significative du nombre de captures de Phragmites aquatiques de -70% entre 2008 et 2020 pour l’effectif total, avec un taux annuel de -5,8 % (Figure 3). Cette tendance est également significative pour les jeunes avec une diminution de -60,7% (taux annuel de -5,1%) et pour les adultes avec une diminution de -86,2% (taux annuel de -7,2%) entre 2008 et 2020.

 

Figure 3 : Effectifs moyens annuels (100m/jour) de baguage de Phragmite aquatique en Pays de la Loire (± SE). Effectif total (courbe noire), effectif jeunes (histogramme gris), effectif adultes (histogramme blanc).

Les analyses se sont également concentrées sur l’engraissement des oiseaux dans la région. En moyenne, les adultes s’engraissent de 0,31g/jour (±0,04 SE) et les jeunes de 0,18 g/jour (±0,04 SE) aussi bien en début qu’en fin saison de migration peu importe leur condition corporelle à leur arrivée sur le site de halte. Ce résultat indique que la région des Pays de la Loire est ciblée pour l’engraissement et donc que les individus choisissent de s’y arrêter pour la qualité de ses sites de haltes (Figure 4 et 5).


Figure 4 : Relation entre FDR (Fuel Deposition Rate) et date de première capture (toutes années et toutes stations confondues).

Figure 5 : Relation entre FDR (Fuel Deposition Rate) et IBMI (Initial Body Mass Index), toutes années et stations confondues.

La durée de halte moyenne du Phragmite aquatique estimée par CMR est de 6,9 jours (IC95% : 3,5-15,6) en Pays de Loire. Cette durée est très proche de celle obtenue par la même méthode dans une étude réalisée dans l’estuaire de la Loire (6 jours) et d’une autre étude menée dans l’estuaire de la Gironde (6,46 ± 0,46 jours).

L’analyse des paramètres étudiés a également permis de discriminer certaines stations dans la qualité des habitats et dans leur utilisation par l’espèce. Les données ont permis de montrer des évolutions d’effectifs similaires entre des groupes de stations et à l’inverse une évolution négativement corrélée entre l’une des stations, à l’intérieur des terres, et les autres sites, proches du littoral.

Les stations des Pays de la Loire fonctionnent comme un complexe de sites dépendant les uns des autres, et offrant des particularités différentes. Certaines stations présentent un passage de Phragmites aquatiques en grand nombre pendant que d’autres montrent une utilisation marquée par des individus expérimentés ayant sélectionné l’habitat de halte pour ses ressources alimentaires. Malgré des différences marquées entre les stations, des échanges sont effectués entre les stations des Pays de la Loire mais également avec des stations hors région et à l’étranger en zone de reproduction et en zone d’hivernage. Ainsi, les efforts devraient porter davantage sur le soutien des stations historiques et des stations accueillant des effectifs importants de sorte à assurer leur pérennité et à maintenir leur rôle de sites d’escale pour le Phragmite aquatique.

Ce rapport permet aussi de remercier l’ensemble des bagueur-se-s, aides-bagueur-se-s et toutes les personnes et structures qui se sont mobilisées pour étudier l’espèce en Pays de la Loire depuis les années 2000. La dynamique de suivi de l’espèce dans les principaux marais ligériens est particulièrement importante et a permis de faire reconnaitre l’espèce dans tous les documents de gestion des espaces fréquentés par l’espèce.
 
Pour en savoir plus, consultez le rapport complet:
LAIGNEAU F., BONNET P., BULENS P., CHIL J.-L., COURANT S., DUGUE H., FOUCHER J., GAUTIER S., GENTRIC A., GERGAUD A., GONIN J., HAVET S., LATRAUBE F., LE NEVE A., MARQUET M., MEROT J., MOURGAUD G., RAITIERE W., REEBER S., SALMON F., SECHET E. & BATARD R. (2022). Analyse des données de baguage de Phragmite aquatique en Pays de la Loire 2008-2020. LPO Loire-Atlantique, ACROLA, CD 44, LPO Anjou, OFB, PNR Brière, SEPNB Bretagne Vivante, SNPN, DREAL Pays de la Loire. 101 p.

Rédacteur: Frédéric Laigneau