vendredi 24 août 2018

L'impact direct du baguage sur les oiseaux est faible, mais à surveiller et toujours à réduire

Capture, marquage et mesures d'un Accenteur alpin (P.-Y. Henry)
Pour conserver les populations d'oiseaux il faut comprendre les processus sous-jacents à leurs changements, qu'ils soient d'ordre démographique ou migratoire. Et pour cela, il est nécessaire d'en capturer et d'en marquer un certain nombre afin de suivre leur devenir (par le baguage). Néanmoins, toute activité de capture fait courir un risque aux animaux. C'est une grande partie de l'enjeu de la formation préalable à l'obtention d'un permis de baguage: apprendre à capturer et manipuler des oiseaux sans les blesser, et en les stressant le moins possible.
Les entités gérant le baguage des oiseaux ont toujours eu le souci de minimiser ces risques encourus par les oiseaux. Toutefois, l'obligation de moyens n'est pas suffisante et elle doit être accompagnée d'une obligation de résultats. Il faut ainsi chiffrer objectivement le taux d'oiseaux qui sont affaiblis, ou blessés, voir tués, accidentellement lors des opérations de baguage. Les bagueurs nord-américains ont été les premiers à publier des statistiques sur l'impact direct du baguage sur les oiseaux (Spotswood et al. 2012), reportant un taux de mortalité lors de la capture au filet japonais de 0.2-0.3%. Ce taux de mortalité est en fait très proche du risque journalier de mort par une cause naturelle pour un petit passereau (0.15-0.25%). Le taux de morbidité (blessures, affaiblissement) est lui de 0.6%. Ces taux de mortalité et morbidité à la capture sont 10 à 100 fois plus faibles que pour les suivis par piégeage de mammifères ou de reptiles (Soulsbury et al. 2020). A noter que les oiseaux relâchés blessés ont une chance de survie (d'être recapturés ultérieurement) identique à celle des oiseaux relâchés en bonne santé, rassurant sur le fait que les blessures sont majoritairement bénignes et peuvent être surmontées par les oiseaux.

Le centre de baguage du Royaume-Uni (British Trust for Ornithology) vient de publier des statistiques de mortalité similaires, se basant sur l'examen d'1.5 millions de captures d'oiseaux pour 166 espèces (Clewley et al. 2018).  Le taux moyen de mortalité est de 0.11%. Les juvéniles sont plus à risque que les adultes. Le risque majeur qui a été détecté consiste en la prédation directement dans le filet (particulièrement en hiver), avant que les oiseaux ne soient extraits par le bagueur. Les espèces réputées sensibles et devant recevoir une attention particulière ont effectivement un risque de mortalité supérieur (0.3% pour le Bouvreuil pivoine et le Pouillot véloce). Les recommandations sont donc de visiter le plus fréquemment possible les filets, et de traiter en premier les espèces et individus particulièrement à risque. Le premier enjeu pour réduire ces morbidités et mortalités induites est la bonne formation des bagueurs, et leur sensibilisation à l'importance des mesures de prévention à leur disposition.

Dans la même perspective d'auto-évaluation et de veille sur l'impact du baguage, depuis 2014, il est obligatoire en France de transmettre informatiquement tous cas de morbidité ou mortalité constaté sur les oiseaux lors des opérations de baguage. Les bagueurs sont sensibilisés aux principes éthiques encadrant l'utilisation d'animaux à fins scientifiques, l'enjeu principal étant de réduire les risques encourus par les oiseaux capturés. Par ailleurs, depuis 2018, tout oiseau mort accidentellement lors d'une opération de baguage doit être conservé et remis à un organisme scientifique afin qu'il contribue à la science.

Pour plus d'information, lisez les articles:

 
Soulsbury, C., H. Gray, L. Smith, V. Braithwaite, S. Cotter, R. W. Elwood, A. Wilkinson, and L. M. Collins. (2020). The welfare and ethics of research involving wild animals: A primer. Methods in Ecology and Evolution (publié en ligne en juin 2020).
 

Rédacteur. Pierre-Yves Henry

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