Filet de capture dans un champ de maïs |
Dans une vaste zone humide située au sud-ouest de la France (400 ha, Barthes de la Nive, 64, Fig. 1), située sur une voie importante de migration, nous avons testé si l'abondance des espèces de passereaux diffère d'un habitat à l'autre (roselière humide vs roselière sèche ou maïs) en fonction de leur spécialisation dans les habitats aquatiques (espèces aquatiques vs généralistes) et leur stratégie migratoire (migrateurs vs résidents). Nous voulions identifier les mécanismes sous-jacents des variations observées en examinant : la disponibilité des arthropodes dans chaque habitat, le régime alimentaire de cinq espèces d'oiseaux insectivores, et la capacité d’engraissement des oiseaux. Nous avons mis en place un protocole standard de capture sur les trois sites en 2015 et 2016 (Fig. 1). Les résultats de cette étude ont été publiés récemment (Fontanilles et al. 2024).
Figure 1. Zone d’étude des Barthes de la Nive (64) avec les 4 sites de captures et la carte de végétation. |
Les cultures de maïs ont accueilli plus d’abondance et de biomasse d'invertébrés que les roselières pour les coléoptères, les diptères, les aranéides et les cicadellidés. Cela peut expliquer pourquoi ces cultures ont été utilisées par une large diversité de passereaux : aquatiques (Gorgebleue à miroir, Phragmite des joncs, Rousserolle effarvatte), migrateurs non aquatiques (Pouillot fitis, Rossignol philomèle) ou des généralistes locaux (Rouge-gorge, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Fig.2). Le régime alimentaire de la Gorgebleue, espèce aquatique généraliste, était composé principalement de Formicidae qu’elle a trouvé aussi bien dans chaque habitat.
Malgré la disponibilité de nourriture dans les champs de maïs, les oiseaux spécialistes des milieux aquatiques ont été plus abondants dans les roselières : la Bouscarle de Cetti se nourrissant principalement d'Araneidae et de Cicadellidae ; la Rousserolle effarvatte de pucerons et coléoptères.
Les roselières sèches ont été plus utilisées par la Locustelle tachetée, qui se nourrit de Formicidae. Phragmite des joncs et Rousserolle effarvatte étaient plus abondantes dans les roselières humides (Fig.2). Cependant pour cette dernière espèce, nous avons constaté que les jeunes engraissaient aussi dans les champs de maïs.
Par conséquent, la stratégie d'utilisation des cultures de maïs est différente selon la spécialité et le statut des espèces. Les résidentes généralistes peuvent s’y déplacer en continuité de la végétation et/ou y rechercher de la nourriture. Les migrateurs ayant besoin de se ravitailler peuvent aussi la fréquenter, mais les transsahariens aquatiques restent plus abondants dans la roselière. La culture de maïs offre des ressources alimentaires et des abris appropriés pour certaines d'espèces. Elle peut être un habitat complémentaire dans l’environnement proche des roselières humides et sèches, mais pas un substitut. Notre étude confirme la nécessité de conserver et étendre les roselières (menacées de fermeture) et une culture du maïs sans insecticide, récoltée après la mi-octobre à la fin de la migration des insectivores.