dimanche 19 avril 2020

Déplacements postnuptiaux différentiels chez la Bouscarle de Cetti Cettia cetti dans le sud-ouest de la France


Bouscarle de Cetti (photo: Gaétan Guyot)
Les déplacements postnuptiaux différentiels entre groupes d'âge et/ou de sexe entraînent une ségrégation spatiale et peuvent conduire à l'exploitation d'habitats différents par des individus d'une même population. L'afflux de Bouscarle de Cetti dans les roselières en automne, majoritairement des femelles de première année, est connu depuis longtemps mais ses modalités précises sont incomplètement cernées. L'objectif du travail récemment publié par Fourcade et Fontanilles (2019, Ringing & Migration) a été d'évaluer si l'utilisation des roselières après la reproduction était le fait d'individus en transit, stationnant pour une brève durée, ou s’il s'agissait d'une arrivée limitée dans le temps et suivie d'un stationnement durable. Dans le premier cas, des probabilités d'immigration et d'émigration élevées sont attendues : les oiseaux sont alors très mobiles et se déplacent entre divers habitats (roselières, marécages boisés, ripisylves, etc.). Dans le second cas a contrario, des probabilités d'immigration et d'émigration faibles indiqueraient une plus grande stabilité de la population, avec une exploitation soutenue des ressources de la roselière par les mêmes individus et donc un rôle spécifique de cet habitat. Deux roselières ont été échantillonnées dans le sud-ouest de la France : l'une sèche en automne, mixte et composée de petits roseaux, et l'autre soumise aux marées et constituée de parcelles de grands roseaux. Nous avons analysé des données quotidiennes de capture-recapture obtenues pendant deux ans pour chaque roselière. L'analyse CMR n'a pas détecté d'individus en transit, ni de renouvellement important des individus, mais des arrivées principalement dans la première quinzaine de septembre et une émigration très faible. Les roselières sont ainsi utilisées durablement après une brève période d'arrivée d'individus en mouvement postnuptial, constitués majoritairement de jeunes femelles sur les deux sites. Nous interprétons cette ségrégation comme une conséquence de la compétition intraspécifique, mécanisme communément invoqué pour expliquer la migration différentielle. On note une proportion plus élevée d'adultes dans la roselière sèche, plus semblable aux habitats utilisés toute au long de l'année, que dans celle inondée, inadaptée pour la reproduction (roselière sèche : 27.6 % d'adultes avec une sex-ratio équilibrée ; roselière inondée : 11.7 % d'adultes dont 83.3 % de femelles). Ces résultats soulignent l'importance des roselières comme habitat-cible en automne pour la bouscarle. Leur utilisation prolongée par les mêmes individus, surtout les jeunes femelles, rend l'espèce vulnérable à la perte des roselières ou à leur dégradation due à la croissance d'une végétation arbustive ou à l'absence d'une gestion appropriée.

Référence citée :


Rédacteur : Jean-Marc Fourcade

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