jeudi 19 décembre 2019

Dernières reprise remarquables

Sélection de quelques contrôles/reprises remarquables arrivés au CRBPO au cours de l'automne/hiver 2019.


Les mouvements de mésanges notés cet automne auront laissés des hivernantes dans tout le pays, y compris dans les jardins avec mangeoire. L'origine de ces mésanges migratrices lors des années d’afflux reste pour partie mal connue...

Décembre 2019 fournit ainsi la première Mésange noire (Periparus ater) "Slovène" pour notre pays, individu bagué le 14/09/2019 dans les Alpes Kalmniques, massif des Pré-alpes orientales méridionales dans le Nord de la Slovénie dont la bague a pu être lue sur photos à partir du 08/12 à Cagnes-sur-Mer (06), env 650 km. 
Mésange noire porteuse d'une bague Slovène, décembre 2019 Cagnes sur Mer (06) photo L.Oliviero
Dans le même temps, une Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) baguée en novembre 2017 dans la roselière de Chenac-St-Seurin-d'Uzet (17) sur les rives de l'estuaire de la Gironde et recapturée au même endroit en décembre 2017 vient d'être contrôlée le 08 décembre dernier à Lednice dans le Sud de la Tchéquie à proximité de la frontière avec la Slovaquie et l'Autriche, à env 1800 km. Les preuves d'échanges avec cette partie de l'Europe Centrale sont rares : 3 données en Tchéquie, 3 en Autriche, 1 en Hongrie et 1 en Serbie.

Nouvelle reprise (transmise tardivement) de Grive mauvis (Turdus iliacus) sibérienne, baguée poussin le 28/06/2016 à Mirnoe, district de Turukhanskiy, Kraï de Krasnoyarsk en Russie (env 1200 km à l'Est de l'Oural), prélevée à la chasse en novembre 2018 à Macau (33). Un trajet d'environ 5500 km similaire en distance à celui parcouru par les espèces hivernant en Afrique de l'Ouest.

Les reprises de Grive mauvis originaires de Sibérie centrale sont néanmoins régulières (précédentes en 2016 en Gironde, 2011 dans les Bouches-du-Rhône) celles de Merle noir (Turdus merula) russes le sont en revanche beaucoup moins : un jeune mâle bagué le 19/09/2019 à Gumbaritsy, Oblast de Leningrad dans le Nord-Ouest de la Russie européenne et prélevé le 30/11/2019 à Belgentier (83), env 2600 km, constitue seulement la quatrième donnée pour un merle de cette région (dernières il y a 25 ans). Il s'agit de l'origine la plus lointaine connue pour cette espèce en France.

Record du nombre de reprises de Bécasseau maubèche (Calidris canutus) en 2019 : une vingtaine d'oiseaux bagués signalés au CRBPO depuis l'ouverture estivale de la chasse au gibier d'eau, tous localisés du littoral des haut de France jusqu'à la Baie du Mont St Michel. La moyenne annuelle est inférieure à 10 individus repris par an durant ces vingts dernières année (un seul en 2018 !). Il faut remonter à 1991 pour retrouver un bilan similaire. Reste à analyser les causes de cette hausse (stationnement plus importants que d'habitude ?). Les individus concernés sont issus de classes d'âges  variés : majorité d'adultes (le plus âgé a été bagué en 2000) et d'origine diverses, de la Baltique à la Mauritanie. A noter également deux contrôles (recapture par bagueur) ces dernières semaines en Afrique (Banc d'Arguin en Mauritanie et Gambie) de maubèches bagués à Moëze (17).

Rédacteur: Romain Provost

lundi 9 décembre 2019

Recommandations d'hygiène pour le nourrissage des oiseaux des jardins

Mésange noire contrôlée à une mangeoire en Belgique (M. Spies)


Le nourrissage artificiel des animaux améliore probablement leur survie à l’hiver, de par leur meilleure condition et/ou la réduction des risques associés à la recherche de nourriture (dépense énergétique, prédation ; Plummer et al. 2019). Par contre, cela augmente la promiscuité (car beaucoup d’individus s’alimentent au même endroit) et cela augmente les contacts entre espèces qui normalement ne se rencontrent pas ou peu. Cette forte promiscuité intra- et inter-spécifique augmente le risque d’épidémie. Nous présentons ici 6 règles d’hygiène simples pour l’usage des mangeoires dans le cadre des suivis d'oiseaux par baguage. Ces règles ont été définies par Anouck Decors du Réseau de surveillance épidémiologique de l’ONCFS et Philippe Gourlay du Centre Vétérinaire de la Faune Sauvage et des Ecosystèmes (voir le communiqué de presse ONCFS/Muséum/CVFSE-ONIRIS/ADILVA 2019; ou le livret du Garden Bird Health Initiative, 2005, pour une version détaillée). Elles sont valables pour prévenir l’apparition de maladie infectieuse autour d’un poste de nourrissage, qu’elle soit d’origine bactérienne, virale, parasitaire ou fongique.

Quand nourrir ?

1- Uniquement en hiver. Lors du réchauffement printanier (et en été), les oiseaux en ont moins besoin, et le risque de prolifération de pathogènes (bactéries, champignons) est maximal du fait des températures et humidité croissantes. De fait, le nombre de signalements de mortalité anormale de verdiers à des mangeoires culmine au printemps (ONCFS et al. 2019).


Comment nourrir sainement ?

2- Utiliser une nourriture saine, sans pathogène. Pour ça, l’entreposer au sec, à l’abri des moisissures, des rongeurs, et des oiseaux domestiques (p. ex. poules, pigeons). Ne pas donner de nourriture moisie.

3- Utiliser un distributeur qui reste sain. Pour ça, préférer les mangeoires suspendues, et éviter les mangeoires plateaux. Ne pas nourrir à même le sol. Préférer les mangeoires en plastique, dont le nettoyage est plus efficace.
Le nourrissage au sol est à éviter car les pathogènes contenus dans les fientes, ou sur les pattes des oiseaux, peuvent proliférer dans le sol et contaminer les oiseaux ultérieurement. Et des moisissures peuvent se développer sur la nourriture non-consommée.


4- Utiliser plusieurs points de nourrissage, éloignés, différents pour chaque type d’aliment, et les changer régulièrement d’emplacement. Cela réduit la concentration d’individus sur une même mangeoire, et la rencontre entre des espèces qui normalement ne se fréquentent pas, ou peu. Le déplacement des mangeoires réduit l’accumulation de germes sous les mangeoires.

5- Ajuster la quantité distribuée pour que la nourriture soit consommée dans les 2 jours.

Comment bien nettoyer les mangeoires ?

6- Retirer la nourriture non-consommée et les fientes ; laver au savon avec une brosse ; rincer abondamment ; puis appliquer une solution désinfectante (p. ex. eau de javel diluée à 5%, Virkon HD, THA ND) et rincer ; laisser sécher avant de remplir de nourriture. Idéalement, faire un nettoyage chaque semaine. Pour vous protéger pendant le nettoyage, portez des gants de ménage.

7- Si vous utilisez des abreuvoirs, appliquez les mêmes précautions, mais avec un nettoyage si possible chaque jour.

Que faire si vous constatez des mortalités anormales d'oiseaux à votre mangeoire ?
Stopper le nourrissage et l'abreuvement afin de réduire les risques de transmission d'agents infectieux aux oiseaux en bonne santé. Signaler ces mortalités anormales au réseau SAGIR.

Des recommandations d'hygiène similaires sont diffusées par l'Observatoire des Oiseaux des Jardins (Ligue de Protection des Oiseaux et Muséum National d'Histoire Naturelle).

Quelles preuves a-t'on de risques épidémiques aux mangeoires ?
Retenons deux maladies d'apparition récente parmi les oiseaux des jardins en France:
  • La trichomonose. Cette maladie touche les fringilles, en particulier le Verdier d'Europe et le Pinson des arbres (Lawson et al. 2018). Apparue récemment en France (Gourlay et al. 2011), elle a donné lieu à des mortalités anormales localisées (Chavatte et al. 2019, ONCFS et al. 2019). Au Royaume-Uni, ce pathogène a contribué au déclin récent des populations de verdier (Robinson et al. 2010, Lawson et al. 2018). De fait, les régions françaises où des mortalités anormales de verdiers ont été signalées en 2018 et 2019, avec des cas avérés de trichomonose (Hauts de France, Normandie, Bretagne), correspondent aux régions où viennent hiverner des verdiers anglo-saxons.
Répartition hivernale (déc. à févr.) en France des verdiers d’Europe bagués en période de reproduction (avr. à juin) au Royaume-Uni (Dehorter & CRBPO 2019)

Références
Rédacteur: Pierre-Yves Henry