mardi 14 octobre 2025

Nouvelle thèse : quels sont les liens entre migration, reproduction et démographie des passereaux migrateurs ?


Les oiseaux migrateurs sont parmi les oiseaux qui subissent les plus forts déclins de population en Europe (Vickery et al., 2023). L’étude des effets du changement climatique, de la dégradation de leurs habitats et de l’intensification agricole sur l’ensemble de leur cycle de vie pourrait ainsi permettre de mieux comprendre les causes de ce déclin.


Une première étude de stage de Master 2 multi-sites et multi-espèces des données de baguage pour le suivi de la migration post-nuptiale a permis de montrer une réponse de l’étalement temporel des passages migratoires aux variations de température sur les zones de reproduction des passereaux communs. Cette plasticité de la phénologie de la migration est conditionnée par la distance migratoire : les migrateurs transsahariens ont une plasticité moindre que les migrateurs de courte distance (figure 1). De plus, cette réponse phénologique aux variations de température de reproduction dépend de la spécialisation thermique des espèces : plus une espèce est boréale, plus la réponse de variabilité dans la phénologie de migration est intense (figure 2). Enfin, la plasticité phénologique de la migration semble être influencée par la stratégie de reproduction.


Figure 1 : Effet de la distance de la migration sur l’étalement phénologique de migration en réponse aux variations de température de reproduction (résultats préliminaires).



Figure 2: Effet de la niche thermique de reproduction sur l’étalement phénologique de migration en réponse aux variations de température de reproduction (résultats préliminaires)

Ces résultats appellent donc à évaluer les imbrications des effets environnementaux sur le cycle de vie des passereaux migrateurs : quels sont les effets des changements globaux aux différentes étapes et régions du cycle de vie des migrateurs ? Et ainsi quels sont les impacts démographiques à long terme de ces réponses des oiseaux aux perturbations ?

Pour mieux comprendre ces enjeux de conservation, Maud MENNERAT a débuté en octobre 2025 une thèse intitulée “Démographie et phénologie de la migration des oiseaux : Discerner les effets croisés des changements globaux sur les passereaux européens.” co-encadrée par Alexandre ROBERT (MNHN-CESCO), Romain Lorrrillière (MNHN-CESCO/CRBPO), Manon GHISLAIN (MNHN-PatriNat) et Armelle Lajeunesse (MNHN-PatriNat), cette thèse bénéficie d’un financement obtenu au concours de l'Ecole Doctorale 'Sciences de la nature et de l'Homme : évolution et écologie' du Muséum


Afin de mieux comprendre le cycle de vie des passereaux migrateurs, les données des protocoles de baguage PHENO et SEJOUR depuis 2014 seront exploitées pour étudier la migration, et les données de baguage européennes EuroCES (Robinson, et al., 2009) pour la reproduction, équivalents européens du STOC capture français, sur l’ensemble de l’aire de répartition des oiseaux observés en migration à travers la France.


Il s’agira dans un premier temps d’étudier la phénologie des migrations post et prénuptiales en réponse aux perturbations, puis de comparer les variations de structures d’âges entre suivis de reproduction et les suivis de migration afin de déterminer le taux de survie juvénile et la qualité du passage migratoire. Enfin, ces paramètres de phénologie et voie de migration, de reproduction et de survie seront inclus dans un modèle intégré de dynamique des populations qui permettra d’étudier le cycle de vie des passereaux migrateurs à travers la France en prenant en compte la complexité spatio-temporelle des pressions environnementales. 


Maud reste donc à l’écoute de vos retours de terrain sur la phénologie de migration et la démographie des espèces d’oiseaux bagués.



Maud (très) concentrée avec un pipit des arbres.




Références bibliographiques : 


Vickery, J. A., Mallord, J. W., Adams, W. M., Beresford, A. E., Both, C., Cresswell, W., Diop, N., Ewing, S. R., Gregory, R. D., Morrison, C. A., Sanderson, F. J., Thorup, K., van Wijk, R. E., & Hewson, C. M. (2023). The conservation of Afro-Palaearctic migrants: What we are learning and what we need to know? In Ibis (Vol. 165, Issue 3, pp. 717–738). John Wiley and Sons Inc. https://doi.org/10.1111/ibi.13171


Robinson, R. A., Julliard, R., & Saracco, J. F. (2009). Constant effort: Studying avian population processes using standardised ringing. Ringing and Migration, 24(3), 199–204. https://doi.org/10.1080/03078698.2009.9674392





vendredi 5 septembre 2025

📢 Information fonctionnement du CBRPO suite à la cyberattaque du Muséum

(Cet article sera mis à jour régulièrement avec les dernières informations)

Chères bagueuses, chers bagueurs,

Suite à la cyberattaque ayant touché le Muséum, nous souhaitons vous informer de la situation et de ses conséquences sur nos activités.
Cet article sera actualisé au fur et à mesure des évolutions.

🔄 Mises à jour : 05/09/2025

📧 Courriels

La majorité de l’équipe reçoit normalement ses mails et l’adresse générique crbpo@mnhn.fr fonctionne.
En revanche, l’accès de Romain Lorrillière à sa boîte mail reste très instable. Si vous devez le contacter, merci de mettre en copie l’adresse suivante : lorrilliere.romain@gmail.com (créée spécialement pour cette situation).

🌐 Site internet et GESTBAG

Le serveur du site du CRBPO demeure indisponible.
En conséquence, plusieurs fonctionnalités de GESTBAG restent perturbées : il est notamment impossible d’éditer des permis pour le moment.

📊 Transmission des données

Nous devrions pouvoir bientôt commencer à réimporter des données dans GESTBAG. Toutefois, l’absence de connexion internet de notre serveur nous empêche d’envoyer les fichiers d’erreur en retour.
Nous vous demandons donc encore un peu de patience et d’attendre notre feu vert avant tout envoi de données.

📧 Liste de diffusion

La liste de diffusion ne fonctionne pas. Le forum DISCORD  "Réseau Baguage" y supplée pour partie.
Si vous êtes bagueuses ou bagueurs, pour vous y inscrire, faites une demande à lorrilliere.romain@gmail.com. 

Article sur le réseau DISCORD : https://docs.google.com/document/d/1BlybRGh_bJ07r-b8i9wxBGoNTM3YuWfw0MNHeQWkBow/edit?usp=sharing

📚Diffusion des ressources du CRBPO 

Vous retrouverez sur le Google Drive partagé créé pour cette situation des ressources documentaires (protocoles, référentiels, formulaires...). 

https://drive.google.com/drive/folders/1WZO_twUkfcE9Q137WVgVpwOX5dfaGvW2?usp=sharing

Les documents y sont ajoutés au fur et à mesure.  
N'hésitez pas à nous faire remonter un besoin. 


🐦Que faire si vous avez trouver un oiseau porteur d'une bague 

un formulaire est ici : 

https://framaforms.org/fiche-de-reprise-doiseau-bague-1756476348


🧑‍🎓 Inscription au prochain stage théorique 

Le prochain stage théorique aura lieu en distanciel le 19, 20 et 21 novembre. 

Pour vous y inscrire, remplissez ce formulaire : 
https://framaforms.org/inscription-au-prochain-stage-de-formation-theorique-au-baguage-doiseaux-1756976942


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🙏 Merci pour votre compréhension et votre patience durant cette période.

L’équipe du CRBPO


jeudi 28 août 2025

Arrivée au CRBPO: Moana Grysan, coordinateur et appui aux suivis des espèces chassables

 

Moana Grysan a pris ses fonctions au CRBPO en mars 2025, en tant que chargé de mission "Coordination et appui au suivi des espèces chassables par marquage". Cette création de poste est l’aboutissement d’un rapprochement constructif entre la Fédération Nationale des Chasseurs et le Muséum national d’Histoire naturelle, conclu par une convention de collaboration pour 2025-2026. Le projet, intitulé Avimark, est piloté par la Fédération nationale des Chasseurs (https://www.chasseurdefrance.com/oiseaux-deplacements/) et financé par l’OFB via le fond d’écocontribution nationale (https://www.ofb.gouv.fr/le-programme-ecocontribution).


L’objectif d’Avimark est double :

  1. promouvoir la collecte et le partage de données de marquages/contrôles/reprises par et avec les acteurs cynégétiques ; 
  2. promouvoir et accompagner l’implication des acteurs cynégétiques dans les suivis d’espèces chassables par marquage (baguage et/ou télémétrie). 

La Fédération Départementale des Chasseurs de Meurthe et Moselle, qui emploie Moana Grysan depuis 2012, a accepté de le mettre à disposition de ce projet (à mi-temps). Moana Grysan est donc intégré à l’équipe du CRBPO pour la mise en œuvre, la consolidation et le développement de ce rapprochement, qui peut être considéré comme historique entre les acteurs du projet.


Les principales missions de Moana Grysan sont :

  • la promotion de la collecte et la gestion des reprises de bagues d'oiseaux prélevés à la chasse,
  • la formation au baguage des acteurs cynégétiques,
  • l’accompagnement de la participation des acteurs cynégétiques aux programmes personnels portant sur des espèces chassables, ainsi que leur mobilisation pour la création de programmes personnels sur des espèces encore trop peu étudiées. 

Moana Grysan est bagueur généraliste depuis 2005 et il est responsable de la station de baguage de Bouligny-Arraincourt en Moselle. Il est également animateur du réseau de baguage de l'alouette des champs (SMAC) et responsable du programme personnel Alouette des champs depuis septembre 2022.

Son implication dans le réseau cynégétique et son investissement dans le réseau de baguage du CRBPO seront des atouts pour mener à bien ce projet


jeudi 21 août 2025

Migrer groupés ou chacun vers sa destination ? La connectivité migratoire est majoritaire au sein des oiseaux européens

Degrés de connectivité migratoire (Fattorini et al. 2023)  
Les oiseaux d'une population reproductrice migratrice peuvent hiverner "groupés" (c'est à dire  majoritairement dans une même aire d'hivernage restreinte) ou "dispersés" (répartis sur une très large aire d'hivernage). Mesurer cette dispersion hivernale relativement aux localisations en reproduction revient à mesurer la 'connectivité migratoire' (autrement dit, la corrélation spatiale entre les positions en reproduction et en hivernage des oiseaux).

Grâce à la collection unique de données de mouvements d'oiseaux assemblée par EURING pour produire l'Atlas de la migration des Oiseaux en Europe-Afrique (voir post dédié), Fattorini et al. (2023) ont pu mener un caractérisation sans précédent du degré de connectivité de 83 espèces d'oiseaux européens. 

La connectivité migratoire ('regroupement hivernal') apparait comme la norme, principalement du fait que les populations sont dispersées sur de larges aires géographiques. Les coûts de la migration conduisent à minimiser les distances de migration, et donc à ce que les oiseaux de différentes régions de reproduction migrent vers des régions d'hivernage au plus proche. La distance de migration moyenne par espèce ressort comme le principal déterminant du degré de connectivité migratoire: plus les aires de reproduction et d'hivernage sont proches, moins il y a de mélange, et donc plus la connectivité migratoire est élevée. Sur le même principe, plus l'aire d'hivernage est restreinte, plus la connectivité est élevée. Les autres caractéristiques biologiques ou phylogénétiques des espèces expliquent peu les différences de connectivité migratoire entre espèce, rappelant la forte labilité du comportement migratoire (les conditions écologiques rencontrées par les populations reproductrices sont plus influentes que les propriétés moyennes des espèces).

Cette compréhension approfondie de la connectivité migratoire est importante pour la conservation: plus la connectivité migratoire est forte, plus la majorité des individus d'une espèce sont dépendants de conditions spécifiques, géographiquement localisées, tant sur leurs aires de reproduction et d'hivernage. Plus une espèce est regroupée sur une aire restreinte, plus nous sommes en capacité d'agir sur la préservation de ses habitats. Plus elle est dispersée, moins il est possible d'avoir une action ciblée, mais également moins il y a de risque d'une exposition de l'ensemble de l'espèce à des menaces fortes et localisées ("tous les oeufs ne sont pas mis dans le même panier").

Cette étude a été possible grâce à l'ensemble des données de baguage collectées sur le siècle passé au travers de l'Europe et l'Afrique, collectées majoritairement par les bagueur.se.s bénévoles et citoyen.ne.s transmettant leurs observations d'oiseaux bagués. Pour la France, le CRBPO transmet ces données annuellement à la base de données européenne (EURING Data Bank), source de cette étude. 

Pour en savoir plus:

Fattorini, N., Costanzo, A., Romano, A., Rubolini, D., Baillie, S., Bairlein, F., Spina, F., & Ambrosini,         R. (2023). Eco-evolutionary drivers of avian migratory connectivity. Ecology Letters 26: 1095-1107

Rédacteur: Pierre-Yves Henry

mercredi 16 octobre 2024

Les passereaux migrateurs paludicoles fréquentent les champs de maïs... mais qu'y font-ils ?

Filet de capture dans un champ de maïs
Les habitats des zones humides ont connu une réduction et une fragmentation dramatiques, en raison des activités humaines telles que l'urbanisation et l'agriculture. Aujourd'hui, les oiseaux, en tant qu'indicateurs de la biodiversité de ces habitats, doivent se reproduire, hiverner ou faire une halte migratoire dans ces zones humides fortement altérées.  Ils doivent concentrer leurs activités dans des habitats reliques (cas ici des roselières humides), des habitats suboptimaux (roselière sèche) ou dans leur environnement tels que les champs agricoles (maïs en agriculture raisonnée).
Dans une vaste zone humide située au sud-ouest de la France (400 ha, Barthes de la Nive, 64, Fig. 1), située sur une voie importante de migration, nous avons testé si l'abondance des espèces de passereaux diffère d'un habitat à l'autre (roselière humide vs roselière sèche ou maïs) en fonction de leur spécialisation dans les habitats aquatiques (espèces aquatiques vs généralistes) et leur stratégie migratoire (migrateurs vs résidents). Nous voulions identifier les mécanismes sous-jacents des variations observées en examinant : la disponibilité des arthropodes dans chaque habitat, le régime alimentaire de cinq espèces d'oiseaux insectivores, et la capacité d’engraissement des oiseaux. Nous avons mis en place un protocole standard de capture sur les trois sites en 2015 et 2016 (Fig. 1). Les résultats de cette étude ont été publiés récemment (Fontanilles et al. 2024).

Figure 1. Zone d’étude des Barthes de la Nive (64) avec les 4 sites de captures et la carte de végétation.


Les cultures de maïs ont accueilli plus d’abondance et de biomasse d'invertébrés que les roselières pour les coléoptères, les diptères, les aranéides et les cicadellidés. Cela peut expliquer pourquoi ces cultures ont été utilisées par une large diversité de passereaux :  aquatiques (Gorgebleue à miroir, Phragmite des joncs, Rousserolle effarvatte), migrateurs non aquatiques (Pouillot fitis, Rossignol philomèle) ou des généralistes locaux (Rouge-gorge, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Fig.2). Le régime alimentaire de la Gorgebleue, espèce aquatique généraliste, était composé principalement de Formicidae qu’elle a trouvé aussi bien dans chaque habitat.
Malgré la disponibilité de nourriture dans les champs de maïs, les oiseaux spécialistes des milieux aquatiques ont été plus abondants dans les roselières : la Bouscarle de Cetti se nourrissant principalement d'Araneidae et de Cicadellidae ; la Rousserolle effarvatte de pucerons et coléoptères.
Les roselières sèches ont été plus utilisées par la Locustelle tachetée, qui se nourrit de Formicidae. Phragmite des joncs et Rousserolle effarvatte étaient plus abondantes dans les roselières humides (Fig.2). Cependant pour cette dernière espèce, nous avons constaté que les jeunes engraissaient aussi dans les champs de maïs.
Figures 2.  Indice d'abondance de chaque site pour les groupes d'espèces et les espèces : trans (espèces migratrices transsahariennes) ; aquatique (espèces aquatiques) ; terr (espèces terrestres) ; loc (local = résident). Les sites sont Maïs U (Mu), Maïs V (Mv), Roselière séche Dry-reedbed (Dr), Roselière humide Wet-reedbed  (Wr). Les diagrammes en boîte montrent la médiane (ligne grasse), le premier et le troisième quartile sous forme de boîte, les moustaches représentent 1,5*l'intervalle interquartile et les valeurs aberrantes sous forme de points. La ligne horizontale en haut du graphique représente le test entre deux sites avec des valeurs p significatives * p < 0,05, ** p < 0,01, *** p < 0,01.

Par conséquent, la stratégie d'utilisation des cultures de maïs est différente selon la spécialité et le statut des espèces. Les résidentes généralistes peuvent s’y déplacer en continuité de la végétation et/ou y rechercher de la nourriture. Les migrateurs ayant besoin de se ravitailler peuvent aussi la fréquenter, mais les transsahariens aquatiques restent plus abondants dans la roselière. La culture de maïs offre des ressources alimentaires et des abris appropriés pour certaines d'espèces. Elle peut être un habitat complémentaire dans l’environnement proche des roselières humides et sèches, mais pas un substitut. Notre étude confirme la nécessité de conserver et étendre les roselières (menacées de fermeture) et une culture du maïs sans insecticide, récoltée après la mi-octobre à la fin de la migration des insectivores.
 

Pour en savoir plus, lire: 
 
 
Rédaction: Philippe Fontanilles