mercredi 31 octobre 2018

Dernières reprise remarquables

Sélection de quelques contrôles/reprises remarquables arrivés au CRBPO au cours du mois d'Octobre 2018.

Fou de Bassan bagué poussin aux sept-îles, Perros-Guirrec (22) le 30/06/1989 trouvé mourant sur la côte suédoise de la province de Halland le 28 Septembre dernier. Outre l'âge remarquable, il s'agit d'un cas intéressant de dispersion d'un individu née en France.

Vieille bague russe Moskva trouvée en ce début d'année en Ariège à l'aide d'un détecteur de métaux :
il s'agissait d'un Héron cendré bagué poussin en Juin 1996 dans le  Nord-Ouest de l'Ukraine (proche frontière Belarus et Pologne) !

Oie rieuse portant une bague islandaise reprise à la chasse le 26/10/2018 à Looberghe (59), femelle adulte capturé en Septembre 2017 près de Reykjavik, une première en France pour une oie de cette espèce baguée sur cette île.

Patte baguée découverte le 21/10/2018 près de Pskov, nord Ouest de la Russie (proche frontière Estonie/Lettonie). L'oiseau porteur était une Grive musicienne capturé le 15/10/2016 au Fort-Vert/ Marck (62). Peu d'informations récentes aussi loin à l'Est pour cette espèce.

Contrôle par un bagueur le 04/06/2018 d'un mâle de Pouillot fitis bagué "Paris"  au bord de la Mer Baltique sur le territoire russe du Kaliningrad . Individu de première année civile capturé le 28/08/2017 à Saint-Julien-du-Sault (89). Les contrôles au sein de l'aire de répartition de la sous espèce acredula sont peu fréquents !

Reprise d'un jeune Faucon sacre (!) initialement découvert épuisé à Pliezhausen, Allemagne de l'ouest le 24/08/2018, bagué et relâché le 25/09/2018 avant que sa dépouille consommé par un rapace non identifié (probablement grand-duc)  ne soit découverte le 24/10/2018 à Florac (48). Il s'agit de la 3 ème reprise de bague pour ce faucon rarissime en France (les 2 précédentes concernait un Hongrois et un Slovaque).




vendredi 26 octobre 2018

Comment dissuader des grands corbeaux de se regrouper près d'élevages ? Le dérangement ou le déplacement des individus sont inefficaces.



Grand corbeau avec marques et balise GPS

Suite à des problèmes de grands corbeaux impactant des activités agricoles (élevage) en périphérie d’une centre de stockage des déchets à ciel ouvert, l’ONCFS a été mandaté pour mettre en œuvre des actions de gestion pour réduire ces conflits locaux entre activités humaines et faune sauvage. Néanmoins, pour s’assurer de l’efficacité des mesures prises, un projet de recherche a été monté en parallèle, porté par Christian Itty, pour mesurer l’impact de deux mesures classiquement préconisées dans cette situation : (i) la perturbation des individus (pour disperser les regroupements locaux) et (ii) le déplacement des individus (captures pour relachers à distance, dit translocation). Ces actions étaient celles préconisées par le Conseil National de Protection de la Nature, suite à plusieurs examens du dossier. Cette étude a donné lieu au dépôt d’un programme personnel auprès du CRBPO (PP n°800).
Dans un article paru récemment, Marchand et al. (2018) ont évalué l’efficacité (i) de perturbations ponctuelles (tirs non létaux) effectuées en fin de journée lors des phases d’alimentation sur le casier puis lors de la constitution des dortoirs pendant deux soirées consécutives, et (ii) de délocalisations à des distances allant de 20 à 240 km. Pour cela nous nous sommes basés sur des protocoles de Capture-Marquage-Recapture sur des oiseaux bagués couleurs (n=193) et/ou équipés de marques visuelles (n=155), et ré-observés par des observateurs et des pièges photos. Ensuite, nous avons documenté l'écologie spatiale des corbeaux déplacés versus celle de grands corbeaux témoins (c'est-à-dire libérés in situ, sans déplacement). Bien que la probabilité de retour varie largement avec la distance et le temps de relocalisation après la libération, 85,3% des grands corbeaux déplacés sont revenus à la décharge en 3 ans. Et les perturbations ponctuelles n’ont diminué l’abondance sur site des corbeaux que pendant quelques heures. Plus généralement, cette étude a révélé que les grands corbeaux non-reproducteurs ont un domaine vital extrêmement étendu et se déplacent sur de grandes distances. Ils fonctionnent selon un réseau de sites de regroupements, à l’échelle de quasiment tout le Massif Central. Le suivi mis en œuvre grâce au déploiement d’émetteurs GPS (n=32) a permis de documenter que la superficie totale occupée par les corbeaux contrôles atteint 40492 km², soit 22% de l’aire de répartition de l’espèce en France. A l’échelle du jour, et de la semaine, le taux de remplacement des individus dans la zone d’étude (casier du centre de stockage des déchets) était très élevé (32% de renouvellement par jour, 64% par semaine).
Du fait de ces éléments inconnus au départ, les actions de gestion ponctuelles / locales telles que préconisées n’ont pas eu l’impact souhaité et n’ont donc pas d’intérêt à être poursuivies ou généralisées (sans mentionner les autres aspects négatifs, tels que le bilan carbone, les ressources dédiées, et les perturbations ponctuelles inutiles aux espèces non-cibles).

La poursuite du suivi montre que le taux de retour continue encore à augmenter, certains oiseaux revenant même longtemps après la durée initiale de suivi. Par ailleurs l’équipement avec un GPS d’un jeune d’origine connu (au nid) a montré que sa distance de dispersion dépasse la centaine de km peu de temps après son émancipation. Cela montre que ces zones de regroupement accueillent des oiseaux pouvant être nés très loin, et que le site d’étude peut en fait drainer des oiseaux de tout le centre et le nord du Massif Central, voire au-delà. Enfin nous savons avec nos observations actuelles que la durée de présence des oiseaux au sein de ces regroupements peut s’étaler sur plusieurs années. En effet aujourd’hui des oiseaux marqués adultes dépassant les 5 ans sont toujours présents au sein de ces regroupements de jeunes/immatures, qui accueillent donc aussi des oiseaux expérimentés mais non cantonnés en tant que reproducteurs.

Pour en savoir plus, lisez les articles :

Loretto, M.-C., Schuster, R., Itty, C., Marchand, P., Genero, F. & Bugnyar, T. (2017). Fission-fusion dynamics over large distances in raven non-breeders. Scientific Reports, 7, 380

Un exemple d'évolution de la migration en cours: afflux de pouillots à grands sourcils en France

Evolution du nombre d'individus capturés en France (Zucca 2017)
L'affluence du Pouillot à grands sourcils va probablement encore battre des records en Europe de l'Ouest cet automne. Ce tout petit passereau (6-7 g) asiatique hiverne normalement en Asie du Sud-Est. Mais depuis 2012, il y a de plus en plus d'individus de cette espèce qui migrent vers l'Europe de l'Ouest, atteignant la France. Maxime Zucca a publié une synthèse en 2017 sur l'affluence de cette espèce en France, intégrant toutes les observations collectées lors des opérations de baguage pour l'étude des migrations (en particulier le programme PHENO du CRBPO). Cet article résume également les derniers critères proposés pour l'identification de l'âge des individus. Ce point est particulièrement important pour les bagueurs, car l'espèce devenant de plus en plus fréquente, il est souhaitable que nous ayons tous l'information nécessaire pour bien identifier l'âge des individus que nous capturerions. L'âge-ratio permet notamment de mieux comprendre si il s'agit juste d'afflux occasionnels (avec essentiellement des oiseaux de 1ère année), ou si il s'agit de nouvelles voies de migration établies auxquelles les oiseaux sont fidèles d'une année sur l'autre (et dans ce cas, il est attendu une proportion d'adultes plus importante, de l'ordre de 20%). Nous vous invitons à lire cet article pour plus de détails, et en particulier pour découvrir les hypothèses avancées pour expliquer cette évolution migratoire.
Distribution des 61 individus capturés lors de la migration postnuptiale et l'hiver 2017-2018 (Dehorter & CRBPO 2018)

Références:
Dehorter O. & CRBPO (2018). Base de données de baguage et de déplacements d’oiseaux de France. Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, France.
Zucca, M. (2017). Évolution récente du statut du Pouillot à grands sourcils Phylloscopus inornatus en France. Ornithos, 24, 201–223

Nous remercions l'éditeur du journal Ornithos, Marc Duquet, d'avoir accepté que cet article soit rendu accessible à tous. 

Rédacteur: Pierre-Yves Henry