mardi 28 juin 2022

Migration postnuptiale des passereaux – Que se passe-t-il dans les terres ?

Durée de séjour et engraissement par stratégie migratoire
En 2017, quelques ornithologues motivés ont lancé un suivi de la migration postnuptiale des oiseaux sur la commune de Sainte-Soline en Deux-Sèvres, au lieu-dit la Trimouille. Dans le but de pérenniser ce suivi, l’Association SYLATR a été créé l’année suivant. Durant quatre ans, le protocole 'SEJOUR' du Programme National de Recherches Ornithologiques a été appliqué en augmentant la durée d’années en années. Après quatre ans, un premier bilan a été effectué dans le cadre d’une collaboration avec le Département d’Ecologie, Physiologie et Ethologie (Strasbourg) pour le projet Migrouille (MIGRation à la TrimOUILLE).

En utilisant les données morphologiques des oiseaux séjournant sur le site ainsi que les taux de contrôle des huit espèces ciblées, les analyses mettent en relief des divergences de comportement entre espèces. Publiés dans le journal Alauda en 2021, ces résultats montrent que les oiseaux n’ont pas la même utilisation de la halte migratoire selon leur stratégie de migration. En effet, les migrateurs transsahariens s’arrêtant en Deux-Sèvres semblent profiter d’une halte de quelques jours pour s’alimenter et reprendre des forces alors que les migrateurs partiels ne se montrent que très peu actifs sur le site. Malgré un protocole de capture qui a évolué tous les ans, les résultats obtenus ont permis d’apporter de nouvelles pistes de réflexion concernant le suivi de la migration et la gestion du site.

Depuis 2021, le protocole de capture a donc été standardisé de manière pérenne, combinant dans le temps les protocoles Phéno et Séjour avec des filets identifiés et de nouvelles expérimentations ont débuté dans le cadre du projet Migrouille (suivi de la structure de la végétation, disponibilité alimentaire, relation entre morphologie et stratégie de migration chez la fauvette à tête noire).

Pour en savoir plus, lisez l’article :

Lemonnier G., Debenest E. & De Bouët Du Portal P. 2021. Comprendre le rôle écologiqued’une halte migratoire isolée dans les terres intérieures françaises. Alauda89(4) : 271-282.

Pour ceux qui souhaitent avoir plus d’informations sur les différents projets de l’association :

https://www.association-sylatr.fr/ 

Rédacteur: Gildas Lemonnier

2 commentaires:

  1. Je viens de parcourir l'article.

    Je ne comprends pas vraiment la "subtilité" de dire "la Fauvette des jardins a une stratégie d'engraissement avant les grandes barrières, donc on la place parmi les migrateurs partiels car elle se comporte comme eux sur notre site".
    Ceci appuyé par une référence bibliographique dont l'article ne vient absolument pas en soutien d'une telle assertion (qui s'attache à étudier la stratégie de halte et d'engraissement avant la double traversée de la Méditerranée et du Sahara, en Grèce.
    Dans la discussion, les auteurs comparent leurs résultats à ceux trouvés sur 16 sites de halte en Europe. En moyenne, sur les 16 sites, le temps de séjour moyen des FdJ est de 7,7 jours, et sur leur site, il est environ du double. Ils en concluent qu'il s'agit d'une phase de plus grande accumulation de réserve avant la traversée de l'obstacle qui suit - leur conclusion est tout à fait juste selon moi. Et sans objet avec ce qui en est traduit dans le présent article)

    Ca n'a pas de sens. Et qui plus est, les suivis sur les Pouillots fitis (ceux de Sibérie) montrent qu'ils ont aussi une stratégie d'engraissement très ponctuel : ils enchaînent 20 à 30 nuits de migration sans halte de plus d'une journée, avant de faire une longue halte de 2 semaines. Donc il faudrait aussi mettre le Pouillot fitis dans cette catégorie ? (non, bien sûr)
    Et d'ailleurs, on voit bien que le fitis a très peu de taux de contrôle également : pourquoi ne pas l'avoir traité comme la fauvette des jardins ?

    Lorsque vous écrivez que la stratégie de la FdJ consistant à maximiser son engraissement à l'approche d'une barrière est ainsi plus proche de celle des migrateurs partiels, vous vous trompez totalement. C'est une stratégie typique de la majorité des migrateurs transsahariens. Au contraire, les migrateurs partiels du type de ceux de votre étude ne font pas cela - ils n'ont pas de grand obstacle à franchir.

    Du coup on a plutôt l'impression que les catégories ont été forcées pour que les résultats paraissent vouloir dire quelque chose.

    Puis l'interprétation me pose également question : en essayant d'expliquer que les transahariens (groupe dont a donc été exclu la Fauvette des jardins...) séjournent plus longtemps sur le site que les migrateurs courte distance, les auteurs écrivent que cela "indique que les migrateurs transsahariens semblent avoir un intérêt plus important à séjourner sur le site que les autres migrateurs"
    Il faudrait pour vérifier ça comparer avec d'autres sites de halte en France. Est-ce que les Fauvettes à tête noire, Rougegorges et véloces ont des taux de contrôle significativement supérieurs sur les autres sites de baguage ? Là on pourrait dire quelque chose sur ce site.
    Peut-être plutôt qu'à ce stade de leur migration, ces migrateurs courte distance ont une stratégie de migration "une nuit de vol, une journée de halte", et ça ne dit rien sur leur "intérêt à séjourner sur le site". Dans une stratégie "une nuit de vol, une journée de halte", la qualité des sites de halte n'est pas moins importante, car il faut assurer un refuelling très contraint dans le temps pendant la migration.

    Et puis adultes et jeunes ont fréquemment des stratégies de progression migratoire un peu différentes, mais là on n'a pas d'information sur des différences liées à l'âge (je pensais que c'était lié à la difficulté d'âger les FTN, mais à la fin de l'article il y a un développement sur la longueur d'ailes des SYLATR d'1A et leur possible catégorie de migrateurs


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  2. (Suite du commentaire)

    Je ne comprends pas la notion de "refuge" par rapport à celle de site de halte utilisée pour la Fauvette des jardins, qui, parce qu'elle séjourne moins et s'engraisse moins (perd de la masse pour les rares qui sont contrôlées, même), utiliserait le site comme refuge et non comme halte. Cette notion n'est jamais utilisée en écologie des haltes migratoires : les auteurs gagneraient à faire davantage de bibliographie sur le sujet avant d'avancer de nouveaux concepts.
    La perte de masse constatée sur les contrôles, alors que les durée de séjour sont globalement très brèves, pourrait aussi indiquer que les oiseaux qui stationnent sont ceux qui sont les plus affectés par leur migration, et qu'un stationnement de plus d'un jour chez cette espèce sur le site est plutôt "anormal".
    Là encore une comparaison avec le taux d'engraissement trouvé sur d'autres sites permettrait d'interpréter un peu mieux cette donnée.

    Puis par la suite, après avoir constaté que chez les 8 espèces cibles, les transahariens séjournaient beaucoup plus longtemps que les migrateurs partiels, les auteurs augmentent le nombre d'espèces (passent de 8 à 16) et comparent la durée de séjour de 7 migrateurs transsahariens et de 9 migrateurs "partiels" (parmi lesquels toujours la Fauvette des jardins). Mais en regardant le tableau 4 on se rend compte qu'ils ont mis... 5 espèces localement majoritairement sédentaires parmi les migrateurs partiels ! ((3 mésanges dont la longue queue, le troglodyte mignon, la bouscarle de Cetti). Donc forcément, la durée de "séjour" moyen est à la hausse !! Ils en concluent que les migrateurs partiels "repartent du site dans les mêmes conditions" en matière de masse : c'est simplement parce que la plupart n'en repartent pas et ne sont pas en halte migratoire...

    Ils ont considéré qu'ayant un STOC Capture sur le site, les oiseaux locaux qui n'étaient pas bagués étaient forcément des migrateurs. ALors qu'évidemment, le STOC ne permet pas de capturer tous les individus, et les jeunes de la deuxième nichée ne sont pas échantillonnés par le STOC. C'est aussi nier l'existence du processus de dispersion. Et assumer ne pas savoir que la Mésange à longue queue n'est pas migratrice en France, sauf exception d'irruptions d'individus nordiques, reconnaissable à leur patron de tête.

    Dans les résultats, les auteurs notent une progression du ratio Masse/AP et adip au cours de la matinée qui est interprété comme la preuve que les oiseaux se nourrissent sur le site de halte en matinée avant de se reposer l'après midi. D'une part, vu qu'il n'y a pas de baguage l'après midi et qu'on ne sait pas si les oiseaux capturés et non bagués ne sont pas déjà arrivés la veille ou avant, je ne vois pas comment ces résultats permettent de conclure que les oiseaux "se reposent l'après midi". Et on ne comprend pas si c'est toutes les espèces groupées ensemble, ou s'ils ont aussi regardé espèce par espèce (au moins pour les 8 plus communes). Du coup y a-t-il des différences entre les transsahariens et les courte distance ? On ne sait pas...

    Je pense qu'il est dommage d'avoir publié cet article en l'état, car il y a certainement matière à d'intéressantes analyses avec ces résultats et ceux des années à venir sur ce site, notamment en se contextualisant par rapport à d'autres sites, et que la revue manque d'un comité de lecture attentif...

    Bien cordialement
    Maxime Zucca

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