Pipit de Richard en Galice, Espagne (D. Lopez-Velasco) |
Une forte proportion des oiseaux vivants dans les régions tempérées ou froides sont des migrateurs saisonniers : ils se déplacent deux fois par an entre leurs zones de nidification, où les ressources, alimentaires notamment, sont abondantes en été mais rares l’hiver, et leurs zones d’hivernage où ils trouveront des ressources pour survivre le reste de l’année. Chez de nombreuses espèces (p. ex. grues, cigognes, oies), ces routes de migration sont apprises par les jeunes qui suivent les adultes lors de leur premier voyage. Chez ces espèces, on connait plusieurs changements contemporains de routes de migration et de sites d’hivernage. En revanche chez les passereaux (les petits oiseaux), les jeunes des espèces migratrices voyagent seuls en suivant un programme de migration codé génétiquement. Chez ces espèces, des changements de route de migration impliquent donc une évolution génétique et sont beaucoup plus rares.
Malgré cette apparente stabilité des routes migratoires et pour des raisons encore inconnues, des individus 'égarés' de plusieurs passereaux d’origine sibérienne sont observés chaque année en faible nombre en Europe, bien loin de leurs routes habituelles. Parmi ces espèces, l’augmentation rapide des effectifs de Pipit de Richard (Anthus richardi) en Europe au cours des dernières décennies a interpellé les chercheurs. En effet, cette espèce migratrice et nicheuse dans les steppes d’Asie centrale était jusque-là connue pour passer l’hiver en Asie du Sud-Est. Des premiers cas d’hivernage notés dans les années 1990 dans le sud de la France ont soulevé l’hypothèse d’une migration régulière de cette espèce asiatique vers l’Europe pour y passer l’hiver.
Pipit de Richard porteur d'un GLS (P. Dufour) |
Aire de distribution du Pipit de Richard et la nouvelle route de migration vers l’Europe découverte par géolocalisation |
Pour expliquer l’origine de cette voie de migration vers l’Europe au sein d’une espèce qui migre normalement vers l’Asie, les auteurs proposent que certains des individus égarés en automne en Europe aient pu trouver des zones d’hivernage favorables en Europe, leur permettant de survivre puis de revenir se reproduire dans leur aire de reproduction habituelle. Si leur trajet atypique résulte d’une modification de leur patrimoine génétique, ils pourraient avoir transmis à leur descendance cette nouvelle route de migration. En modélisant la distribution hivernale de l’espèce en Asie et en Europe, ils montrent par ailleurs que l’espèce a pu bénéficier d’une hausse des températures liée au réchauffement climatique pour coloniser de nouveaux sites d’hivernages, notamment dans le sud de la France.
Ces recherches viennent s’ajouter à d’autres études montrant comment les espèces migratrices, et notamment les passereaux, peuvent établir de nouvelles zones d’hivernages et de nouvelles routes de migration, leur permettant de s’adapter aux modifications du climat.
Le présent texte est une version adaptée du communiqué de presse diffusé par le CNRS pour annoncer cette découverte.
Cette étude est issue de la thèse de doctorat de Paul Dufour, qui a traité de l'évolution de la migration à longue distance chez
les oiseaux. Ce projet est le fruit d'une collaboration entre Pierre-André Crochet du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE), Sébastien Lavergne du Laboratoire d’Ecologie Alpine (LECA), et Frédéric Jiguet du CRBPO / Centre d'Ecologie et des Sciences de la Conservation (CESCO). Nous remercions particulièrement Marc Illa, Albert Burgas, Oriol
Clarabuch, Thomas Dagonet, Stephan Tillo, et les autres bagueurs et
aides bagueurs pour leur aide précieuse dans la capture des oiseaux.
Nous remercions également l'ensemble des observateurs pour le suivi des
oiseaux et notamment Benjamin Long et Phillippe Bailleul pour les
nombreuses heures passées à les suivre sur les sites de Castres et de
Fréjus.
Référence: Dufour P, de Franceschi C, Doniol-Valcroze P,
Jiguet F, Guéguen M, Renaud J, Lavergne S, Crochet P-A. A new westward migration route in an Asian passerine bird. Sous presse dans Current Biology.
Pour en savoir plus, demandez l'article complet à Paul Dufour, ou lisez sa thèse de doctorat (disponible en ligne).
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